Artiste aux soins palliatifs

Je suis artiste,  une fois par semaine le jeudi,  j’organise un atelier de peinture aux soins palliatifs  dans la chambre des patients qui le désirent.

La mort  je l’ai apprivoisée depuis longtemps. J’ai été élevée à la campagne et mes origines paysannes m’ont  renforcée face à la vie et la mort aussi.

De mon père médecin j’ai appris  l’endurance et  la fragilité du corps humain, le désarroi des vaincus :  médecin et  patient lorsque  la maladie   gagne.  Puis,   la sagesse d’accepter la défaite même lorsqu’elle semble injuste.

Je ne vois pas  la personne hospitalisée comme un patient et encore moins comme une maladie ou un cas (je ne suis ni médecin, ni soignant). Pour moi,  elle est  artiste qui s’ignore car  malgré les difficultés elle  exprime l’envie de créer.

Mon objectif est  d’allumer la toute  petite étincelle qui va déclencher le désir. Malgré  les embûches physiques et parfois mentales ,   nous serons  capables de produire une œuvre  :  message, dernière parole, cadeau.

Aux  proches souvent dévastés, je  propose aussi de peindre. Je pense à une jeune femme  qui  mariée depuis 18 mois était totalement révoltée face à l’idée de la mort prochaine de son mari. Nous avons peint   sa colère.  En fin de séance, à travers ses larmes elle m’a dit  : « je vais devoir  jeter beaucoup de peinture pour retrouver peut-être un jour la  sérénité. »

Les soins palliatifs c’est la fin d’un voyage,    l’attente   d’une place  au port pour aborder puis quitter le bateau  de la vie.

Certains pensent qu’ils en prendront un autre …. Personnellement,  je ne sais pas…  Je n’ai aucune idée de ce que cache la mort. La seule chose dont je sois certaine, c’est que la vie est précieuse.

Ai-je assez aimé ?   Est  le seul  regret exprimé, la seule question importante pour  finir.

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PalliAmi

Est une fondation qui a pour mission d’offrir un milieux de vie chaleureux aux personnes en fin de vie au coeur d’un centre hospitalier.

Toutes les informations :

http://www.palliami.org/

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Dominique Garant Directrice

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Luc Racine Responsable des bénévoles

 

« Va, vole mon ange ! »

« Va, vole mon ange »
Huile sur toile 30″ X30″ (61 X 61 cm)

Les souvenir s’arrangent pour devenir innocents ?
Je refuse de croire en la cicatrice du temps.
Je suis ressac violent du passé.
Je suis montagne impassible et muette.
Je suis racines enchevêtrées.
Je suis réminiscences sacrées, qui pour une odeur ou un mot surgissent en vagues douloureusement impétueuses.
Je suis mon corps et le tien.
Je suis ta mère.
Tu dois briser l’imparfait miroir, invente-toi.
Et Va ! Vole ! Vole mon ange.

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« Va, vole mon ange » Huile sur toile 30″ X 30″ (61 X 61 cm)

TROIS CAFÉS S’IL VOUS PLAIT !

 A l’américaine, mauvais, noir,  amère avec deux goûtes de lait.

 Premier café : tu mets ta main sur ma cuisse, nous bénissons silencieux,  l’heure rose ;  le passage furtif  de la nuit à la lumière du jour prochain.

Deuxième café :  nos  voix  mal assurées, se disent les délires des ténèbres achevées. Nous divaguons imprudents.   Nos  chimères  crépusculaires prennent tendrement  formes humaines.

Troisième café :  comme deux  esprits  affamés,  acrobates aux pirouettes bienveillantes,  nos pensées  turbulentes  s’arment pour le   combat de la  journée qui commence.

Trois tasses s’il te plait, pas une de plus, pas une de moins pour parvenir à me détacher d’une nuit dans  tes bras.

 

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« Le monde dans une tasse de café » Huile sur toile  36″  X 30″, 91 cm X 76 cm

 

La Fondation Virage pour le soutien au cancer

Depuis trente ans, la Fondation Virage a pour mission d’informer et soutenir les personnes touchées par le cancer . Dans les  CHU de Montréal ,  la Fondation  propose de  nombreuses activités  et services.
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C’est dans ce cadre , que j’ai la chance de donner tous les jeudis à l’hôpital Notre-Dame à Montréal   dans le service d’oncologie des ateliers d’initiation à la peinture acrylique sur toile.   Je suis  aidée par la lumineuse et fidèle  Loraine  qui toutes les semaines travaille bénévolement.

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Quelques photos de l’atelier d’aujourd’hui

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crédit photo Loraine Gendron

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Les bureaux de Virage sont à l’hôpital Notre-Dame

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Voici Daisy, l’agente administrative

Très impliquée,  elle propose une fois par mois un atelier de nouage de foulards et des trucs !

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Le Cancer c’est aussi   la perte des cheveux et des cils, une étape  de la maladie  bien difficile à vivre  pour les femmes. Le centre de beauté est là avec des conseillères impliquées.  Elles ont toujours le bons conseils et l’astuce qui fait la différence pour rester belle malgré tout.

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Anne-Julie est stagiaire cet été

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La Fondation Virage c’est tout une équipe,  je n’ai malheureusement pas pu photographier tout le monde, je pense à Lise notre responsable, Marie-Andrée à la comptabilité, Gisèle responsable du salon de beauté, aux nombreux bénévoles et intervenants.

J’ai sûrement oublié quelqu’un,  je m’en excuse par avance :).

Adresse :

Hôpital Notre-Dame

1560, Rue Sherbrooke Est

Pavillon Mailloux Nord

1er étage, porte K1253-1

Montréal (Québec) H2L 4M1

Téléphone :

514 890-8000 poste 28139

Le  site :

http://www.viragecancer.org

 

 

 

 

J’étais une enfant poète.

 Je ne parlais pas beaucoup, j’avais du mal à dire l’émotion, la beauté,  la douleur.  J’avais des couleurs pour ça. J’avais  un  langage parallèle. Je  discutais  intarissablement avec  le ciel,  les nuages,   les fleurs,  les arbres puis  je relatais  l’émerveillement  par des dessins colorés. J’étais  une sauvageonne, j’ai eu la chance de grandir à la campagne.

On ne dit pas assez que les enfants doivent être laissés à leurs rêves.  Pourquoi essayer de  tout comprendre ?

Je me souviens de  ma  première expérience de peinture à l’huile.  Mon père m’avait autorisé à monter dans son atelier,  une  mansarde dans une aile reculée de notre maison bourgeoise. L’atelier était l’ancienne chambre de bonne. Les enfants  n’avaient  pas le droit d’y accéder car l’escalier en colimaçon était dangereux, il ressemblait  plus à une échelle qu’à un escalier d’ailleurs. Pour moi,  c’était l’ascension au paradis.

 Je me suis donc retrouvée dans   la pièce magique,  celle où la création opérait.

Mon dieu.   Que ça sentait bon ! Un mélange de peinture, d’huile de lin et de térébenthine.  Une odeur  d’éternité, que  j’aime toujours autant.

Mon père m’avait donné avec un sérieux infini, le plus beau des cadeaux,  une toute petite   toile et l’autorisation de me servir après quelques recommandations,   de la précieuse peinture.

Et  j’ai peint, naturellement, sans réfléchir. C’était la  nuit immense et noire,  emprisonnant «  une maison lumière »  à la manière d’une lune  ou d’une étoile perdue.  Ma  façon de dire notre  maison au milieu d’arbres centenaires, eux- mêmes entourés de grands murs de pierres, le tout  perdu dans la campagne.  Une façon de dire l’inconnu au-delà des terres à perte de vue.

Ma première toile ne fut pas accueillie comme un chef-d’œuvre, mon père était furieux, j’avais vidé son tube de noir.

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Prisonnière

De ce corps de déesse archaïque,

de mes seins,

de mes hanches trop larges,

de mon ventre blessé,

De la mer méditerranée instable mégère,

je suis prisonnière.

Du phallus des hommes

de leurs mains puissantes,

d’une  terre ocre gorgée de soleil et de larmes,

je suis prisonnière.

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« le phallus » huile sur papier 79 X57 cm.

 

Mes ateliers à l’hôpital

 

Après une exposition sur la Maladie d’Alzheimer en 2013 à l’hôpital Nôtre-Dame et plusieurs expériences d’ateliers, j’ai eu la chance de pourvoir organiser des ateliers  pour les patient des  hôpitaux Hôtel-Dieu, Saint-Luc et Notre-Dame à Montréal.

Les bienfaits de la peinture,  sur le stress, la douleur, le moral et l’estime de soi  ne sont  plus à démontrer.

En Oncologie et aux soins palliatifs l’atelier  a  lieu dans la chambre et peut se faire même si le patient est alité et extrêmement fatigué.

En une heure environ, nous exécutons  une petite toile à la peinture acrylique qui pourra être offerte ou rapporter au domicile. En attendant elle égaie la chambre.

Grâce à cette initiation  de nombreux patients me disent continuer  à pratiquer à leur domicile et être aidés par la peinture durant leur traitement.

Fabienne

 

Le jour où la vie m’a mis un pied au cul

Le jour où la vie m’a mis un pied au cul, je me suis offusquée mollement.
Je lui ai dit : – La vie tu exagères… Tu es injuste. Je ne mérite pas toute cette violence, toute cette douleur.
J’ai négocié.

Elle ne s’est pas arrêtée pour autant.
Sans aucune pitié, elle m’a frappée à nouveau, cette fois beaucoup plus fort.
J’étais furieuse, c’est comme ça ! Quand on use de violence au bout d’un (très) long moment, je réplique. Je suis relativement vive.

Comme un cowboy, j’ai fait tournoyer mon gun autour de mon index :
– Dernier avertissement la vie ! Dégage ! Tu m’emmerdes !

Contre toute attente, elle est partie sans demander son reste.
Pas très maligne ! Je suis incapable d’écraser une araignée.

Puis, j’ai fermé la porte à clef, histoire de ne pas la voir se radiner.
J’ai mis ma plus belle robe et de la couleur sur des toiles vierges depuis bien trop longtemps.
Et puis… je cultive avec un acharnement féroce la joie, le bonheur et l’amour. J’en ai à revendre.
Elle ne m’aura pas la garce !
Tant pis pour elle !

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« La rumeur est un nuage gris » Huile sur toile 61 X 61 cm

De Fabienne Rhein à Fabienne Roques

Reprendre son nom de famille, pas si facile !

Au Québec depuis 1981 après un mariage, les femmes ont l’obligation de garder leur nom de naissance.
Il serait temps que la France s’en inspire car les femmes subissent un véritable préjudice identitaire et professionnel, quand elles doivent prendre ou abandonner un nom qui n’est pas le leur.

 

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« la tétée » huile sur toile 147 X 114 cm (58″ X 45″)

 

Le nom de mon père

Il tenait ma main dans la sienne. Il n’y avait pas de pression, simplement une petite main accrochée de toutes ses forces à un bloc.
Il parlait peu.
Sa parole, précieuse, était dispensée avec une infinie parcimonie passant le plus naturellement du monde du français à Occitan. Quand il racontait des histoires c’était le patois qui venait. Pour chaque situation, Il avait une phrase de bon sens terrien.
Tou ço que mangò torno
Lou qué coummando pagò
Sé te logos per faïre l’asé te cal faïre l’asé.
Mes premières paroles furent celles-ci.
La force de Gabriel était dans ses mains d’agriculteur et dans son nom Pierre Gabriel Roques. Comme ces fortifications, nombreuses qui parsèment les sommets des rochers du pays d’Oc et Cathare
Vignerons de père en fils il faisait saigner sa terre stérile du nectar sacré. Le vin boisson magique qui rend la jeunesse au plus mélancolie des vieillards. Élixir de jouvence, secret des hommes qui savent vivre.
Il était mon grand- père.
Qu’ils le veuillent ou non !
Qu’ils en aient conscience ou non , les hommes ressemblent à leur terre. Ils lui appartiennent. Gabriel avait dans ses mains la force de ses vignes assoiffées, tordues par la douleur du manque d’eau.
L’eau il la portait dans ses yeux comme tous les bleus des ciels de Provence et la transparence de la méditerranée.

C’est la coutume, Les femmes prennent le nom de leur mari, les fils le nom du père, Dieu le père.
Le 17 aôut 1996 je me suis mariée, abandonnant avec une extrême désinvolture mon nom de Roques pour celui de Rhein
Rhein le fleuve en allemand, Rhin l’immense, le plus grand d’Europe. De la Mer du Nord aux Alpes « le vater Rhein », le Rhin paternel comme le surnommait les germaniques prodigue ses richesses et ses ferments.
L’eau et la pierre, le nord et le sud réunis dans seul et même prénom de femme : Constance.
A Aigues Mortes longtemps premier port de France en Méditerranée, Saint Louis fit construire une tour qu’il nomma Constance. Prison des templiers d’abord puis prison de femmes.
A la révocation de l’édit de Nantes, des mesures répressives se sont abattues sur les protestants enfants des lignées cathares précédemment éliminées. Trois sœurs, Isabeau, jeanne et Marthe Roques famille hérétique opiniâtre furent emprisonnées en 1687 et déportées aux galères. Elles moururent noyées.
Quand j’étais enfant, mon oncle Jean Pierre, m’avait raconté l’histoire de cette Constance qui selon lui avait résisté jusqu’à l’âge de 100 ans aux intempéries, au manque d’eau et de nourriture exposée à tous les tourments des hommes et d’une nature difficile. Je n’ai rien retrouvée de l’histoire de cette femme qui avait meublé mon imaginaire d’enfant. L’avait-il confondu avec Marie Durand détenant le sombre record de longévité, 38 ans de détention dans la tour sans jamais abjurer sa foi. Elle grava dans la pierre du sol de sa cellule, un seul mot « RÉSISTER ».
En Provence on exagère tous un peu. Je lui pardonne.
Constance, L’eau à perte de vue d’un lac grand comme une mer, véritable delta intérieur en lui se jette le Rhin plus grandes voies navigable d’Europe, riche de ses terres fertiles, de ses châteaux, de ses forêts, de ses mythes.
Comment ne pas succomber à la Loreleï ?
Comment ne pas croire en la fée au chant magique quand on est racine, de terre sèche et rocailleuse ?
Je me suis laissée bercée par la douce comptine.
Je n’ai pas eu la prudence d’Ulysse.
J’ai oublié la main, les yeux, la terre de Gabriel subjuguée par la langueur d’un hymne qui n’était pas le mien. J’ai dormi 20 ans. Le Rhin m’avait portée, poupée endormie sur les rives du Saint Laurent, l’or est dedans plus fort encore, plus grand. Le réveil fut brutal.
Sur un autre continent, en terre d’Amérique la Loreleï s’est tu.
Je n’entends plus qu’ Isabeau, Jeanne et Marthe ces femmes, mères, sœurs, qui appellent depuis la nuit des temps nos racines oubliées.
Le Rhin ne m’engloutira pas.
Je donnerai au Saint Laurent, ma vérité d’un visage sans fard. Je suis racine, je suis pierre, je suis force d’une terre et de ceux qui la peuplent.

Partir révèle.
Je n’entends plus que le chant sublime d’Isabeau, Jeanne et Marthe.
Je n’abjurerai pas
Fabienne Roques