Quelques photos du 17 novembre 2022 , vernissage à la galerie Va Savoir

Un grand merci à tous ceux et celles qui ont bravés le froid et la neige pour venir assister à ce vernissage si particulier pour moi.

Bruno Lalonde a filmé le regard (l’âme) de chaque œuvre.

Synopsis de la performance À TEMPÉRA

Synopsis de la performance

Originaire d’une famille ouvrière auvergnate, Anne a 20 ans en 1941. Alors que la guerre sévit partout, elle épouse Pierre un officier de l’armée française. Le couple s’installe sur la base militaire d’Ain El Turck en Algérie.

Pierre doit rapidement la quitter pour faire la guerre. Anne se retrouve alors, seule et enceinte d’une petite Marie, dans une villa luxueuse au bord de la Méditerranée.

En novembre 1942, durant l’opération Torch, l’armée américaine débarque en Afrique du Nord. Elle y restera jusqu’à la fin de la guerre, en 1945. La population locale devra cohabiter avec les GI’s.

Anne est livrée à elle-même sur cette terre méditerranéenne encore sauvage. Arabes, Juifs, pieds noirs y cohabitent. La fracture sociale est abyssale.
Anne devra s’adapter à son nouveau statut de femme d’officier, faire face au mépris du patriarcat militaire envers les femmes, à la puissance de l’argent, au racisme entre les différentes ethnies aussi bien qu’à la discrimination des américains entre eux et à la peur des femmes de se faire violer par l’occupant.

Malgré tout, Anne va braver les interdits en tombant follement amoureuse d’un soldat américain métis. Dans les bras de cet homme, elle se découvre être, une femme passionnée. Submergée par le désir, la chair prend le pas sur la raison et les conventions sociales.

Mais elle ne peut indéfiniment se laisser glisser sur cette pente vertigineuse. Elle doit récupérer ses esprits, sa vie, son rang. Et pour cela, commettre un acte insensé.

Soixante ans ont passé, Anne brise le tabou familial en racontant à la fille de Marie, sa petite-fille artiste peintre, le secret de ce drame algérien.

Dix ans après la mort de sa grand-mère Anne et de son immigration à Montréal, la petite fille d’Anne, écrit cette pièce afin de tenter comprendre les conséquences de ce drame et la correspondance entre sa vie et
celle de son aïeule.

Tempêtes

Je me répète sans y croire que nous sommes en guerre. Ici, tout est pareil , derrière la fenêtre la neige enveloppe calmement la ruelle. Sur mon ordinateur, scènes de désolation : des hommes jeunes en habit militaire, des armes, des tanks, des bombes, des populations déplacées. Des civils meurent au hasard des obus. Exode, ils fuient enroulés dans des couvertures de fortune, leurs frères devenus ennemis.  Des mères épuisées aux yeux vides rassurent des enfants effrayés. Ils ont froid. Ils ont peur, la mort aux trousses, ils tentent de s’évader de l’enfer.

Je pense à mes enfants en France, à trois heures de ces scènes d’horreur. Je crains, pour leur avenir tout proche.

Je suis française, éduquée avec l’idée d’égalité et de fraternité. Ce précepte qui fait qu’un humain, peu importe sa nationalité, sa couleur de peau ou sa religion a mon respect. Cette notion de fraternité oblige. Je comprends ce que le mot guerre implique. Encore plus aujourd’hui, mon camp est celui de ceux qui souffrent.

 Je voudrais faire un câlin à Alice et Lucas.

Je voudrais embrasser ma fille et mon fils.

Je voudrais leur dire comme quand ils étaient petits, que si nous restons ensemble bien serrés, rien de mal ne pourrait nous arriver. Mais voilà…

Alors, Je peins des tempêtes.

Treize ans que je vis au Québec

J’ai beaucoup de pudeur à me raconter, mais ce matin j’ai envie de partager avec vous toute ma reconnaissance. Je suis au Québec depuis treize ans, exactement treize ans, le vingt-six février. Je suis arrivée avec trois de mes cinq enfants et leur père. Je peux vous dire qu’à l’époque je n’étais pas enthousiaste. J’avais suivi mon mari comme on mène une vache à l’abattoir. Les premières années furent pénibles. Au bout de quatre ans, j’ai demandé le divorce. Ce fut terrible ! Pour en finir, sous la contrainte et la menace j’ai été obligée de renoncer au patrimoine familial et au reste. Je n’avais pas d’autres choix que de recommencer, bâtir une vie sur un sol qui m’était encore étranger. L’immigration rend les femmes plus vulnérables que dans leur pays d’origine. Pour ces femmes, rien ne s’applique ni la loi d’ailleurs, ni celle d’ici, c’est un autre sujet. À cette époque, de nombreux amis, m’ont tourné le dos, ils avaient cru toutes les horreurs racontées par mon ex. Ces trahisons, je les ai vécues comme des deuils, des violences supplémentaires. J’étais isolée. Blessée. J’ai entrepris de commencer une thérapie. Je voulais arrêter de souffrir, trouver une explication à la violence qui me collait à la peau depuis l’enfance. Savoir ce qui ne marchait pas chez moi. La thérapie c’est dur ! ça remue ! Les vieilles affaires oubliées remontent et ça fait mal avant de faire du bien.

En 2014, j’ai eu de la chance ! La vie a mis Bruno sur mon chemin, j’étais à ramasser à la petite cuillère. Je ne savais plus à quoi me raccrocher, je serais bien ingrate si j’oubliais le soutien de mes deux magnifiques amies Aline et Anne-Évangéline, ces deux-là, je les ai emmerdées plus que de raison. Bruno et moi on s’est reconnu. Au premier regard, nous avions tout compris de l’autre : nos milieux d’origine, nos passés débiles, nos guerres, nos aspirations. Lui surtout a compris mes blessures, mon courage aussi. Je suis courageuse parce qu’à chaque fois j’ai eu peur. La vérité est que cette peur paralysante et l’idée de mort m’ont accompagnée toute mon existence. Vous savez, on fait toute une histoire de la mort, moi je l’ai côtoyée, regardée de très près, dans les moments difficiles elle a toujours été là, une obsession pour me rappeler que tant que j’étais vivante, je devais vivre. Je sais, qu’elle passera me prendre au bon moment. C’est pas la mort qui me fait peur, ce qui me fait peur c’est la vie, la bêtise, la violence.

En arrivant au Québec, l’idée que je me faisais du couple idéal, me semblait inatteignable, j’étais prête à renoncer à cet amour fantasmé, fait de douceur, de partage, de transparence, de joies simples, exactement, le contraire de ce que j’avais vécu dans le passé. De ce que je vivais au présent. À chaque fois, se reproduisait le même scénario, après quelques années de chaos, je partais le cœur en lambeaux sans demander mon reste. Je quittais des hommes furieux, blessés, incapable de comprendre, le pourquoi de mon irrévocable décision. Incapable d’entendre mes aspirations de relation idéale. Des lubies selon eux. Parce que, oui réussir sa vie de couple c’est exigeant. Il faut être drôlement discipliné. Le feu ça s’entretient, faut pas le laisser s’éteindre. Bientôt huit ans que Bruno et moi vivons cet amour parfait. Je me suis tellement battue. C’est un miracle.

Treize années que je suis au Québec. J’aime ce chiffre. Mon ex mari avait raison, il fallait que je parte. Un rayon de soleil cogne à la fenêtre de l’atelier, dehors il fait moins je ne sais combien ? Je me souviens de Nice, là-bas les mimosas doivent être en fleurs et les enfants en T-shirt ; des flocons légers dansent derrière la vitre, il y a vingt centimètres de neige au sol. Il fait si bon chez nous, ça sent le café et les mandarines. Je suis en paix, complètement à ma place. Heureuse. Mon pays c’est ici.

Merci !

Un jour sur deux

Un jour sur deux, huile sur toile, 77x77cm

Il montre le tableau du doigt en détournant les yeux.

– Votre tableau n’est pas vendable !

– Je sais. Si, je peignais que ce qui se vend, je serais riche. À croire, que j‘ai des difficultés avec la notion de richesse.

– Mais, pourquoi la corrida ? Le taureau, un si bel animal, sans défense. Comment peut-on de nos jours encourager un tel spectacle ? Je ne comprends pas… Il y a des gens qui paient pour aller voir ce truc. C’est dégueulasse !

– Je peins ce que je connais. Là commence et finit, ce que j’appelle, ma conscience d’artiste. La corrida ! je connais. L’été, il y en a dans presque tous les villages de ma région. Le taureau de combat, n’est pas un animal sans défense. Il est dangereux, imprévisible, sauvage… croyez-moi.

– Oui, mais là… votre taureau est une femme ?

– Il ne faudrait arrêter de croire que les femmes sont sans défense. Quand une femme se fait ‚‘‘torgnioler‘‘, elle est aussi faible qu’un taureau de combat dans l‘arène, les cornes en moins. Faut arrêter de croire que les femmes battues se laissent faire. Pire, qu‘elles aiment ça.

– Vous ne pouvez pas peindre une chose pareille. C’est pas la réalité.

– C’est EXACTEMENT la réalité !

– Peux pas regarder…

– Est-ce la femme à la place du taureau qui vous dérange ?

– Je n’ai jamais vu de corrida. Je n’en verrai jamais.

– Et la mort vous l’avez déjà vu ? Le sang ?

– Oui ! Mais pas comme ça.

– Je vais vous raconter : au début il y a la musique. Les gens prennent place dans les gradins. C’est la fête ! Les hommes sont séduisants. Les femmes coquettes derrières les éventails colorés, minaudent. Elles sont charmantes. Puis, comme une danse rythmée par la fanfare, la femme-animale et  l’homme-dieu jouent. L’un secoue une cape rose et jaune et l’autre passe dessous. Action, réaction, le premier propose, l’autre se soumet. Puis on s’aperçoit que le taureau à l’air de souffrir. Un taureau ça ne parle pas : ça râle ; ça beugle ; ça mugit. Il secoue son corps. il est maladroit. Nerveux, Il essaie en vain, de se débarrasser des drôles de flèches (les banderilles) qu’on lui enfoncé dans le milieu du dos. À chaque fois, la foule joyeuse crie : OLÉ ! Il saigne mais le sang mélangé au noir de sa fourrure est invisible, jusqu’à ce que des perles rouges gouttent sur le sable. Rouge et jaune le contraste est indiscutable. La bête ne sait toujours pas qu’elle va mourir. Musique maestro ! 

Le torero a changé sa cape de parade rose pour une rouge, beaucoup plus… sérieuse. Inquiétante.Derrière la muleta (le nom de la cape rouge en question),  il cache son arme.

Trompette une fois,  cette fois.

L’arène arrête de respirer. Silence. Respect devant la mort.

Quelques passes pour distraire l’animal. L’homme se concentre. D’un geste martial, qui vient du fond des temps. Il lève l’épée lentement au niveau de sa bouche. Puis au ralenti son bras droit se tend à la verticale, lui donnant une allonge irréelle. Le corp souple, en appui, sur la jambe gauche, le genou plié, l‘homme prend l’impulsion nécessaire au coup. Il bondit. La lame entre au centre exact des omoplates. Transperce le coeur.  Autant vous dire que c’est pas simple… c‘est l‘estocade ! Enfant, je me cachais les yeux pour ne pas voir. Si le taureau n’est pas mort sur le coup, le torero recommence, recommence encore sous la bronca. Déshonneur pour un torero ! Les spectateurs détestent ceux qui manquent leur coup… un bon torero doit tuer vite et bien. En une fois, sans se reprendre.

– C‘est atroce !

– Ça l‘est ! Mais je vais vous dire ce que j’ai raconté à mon mari québécois (on le raconte aussi aux enfants) la première fois qu’il a assisté à une corrida : c’est très, très rare, mais si le taureau est particulièrement valeureux, il est gracié. Si (encore un si je vous accorde qu’il y a trop de conditionnels), donc si, le taureau arrive à survivre à ses blessures, il aura une vie de rêve. Faut dire que quelquefois, c’est le torero qui meurt.

– Mais quelle horreur ! Pourquoi mourir dans la force de l’âge ?

– Je pense exactement comme vous. Personne ne devrait jamais mourir pour rien.

Un jour sur deux, une femme meurt sous les coups de son compagnon et ça me bouleverse.


Loulou

Loulou
Acrylique sur toile 102X143 cm, 60X40‘‘,
Année 2012. VENDU.


Nous avions mes amis artistes Michel T. Desroches, Gilles Vallée et moi (je signais RHEIN à l’époque) organisé une exposition pluridisciplinaire avec le désir de sensibiliser le public à la maladie d‘Alzheimer.
Notre exposition a été vue en 2013 au CHUM, hôpital Notre-Dame et dans le service Stop Alzheimer de l‘hôpital Douglas.

L‘histoire :

Loulou était vieux, mais pas tant que ça. Avant d‘être malade, il aimait la mer, les voitures anciennes, sa femme, ses copains et ses petits enfants. Du jour au lendemain, il a glissé à toute vitesse dans une réalité qui n‘était pas la notre. Il disait des trucs bizarres, entendait des voix, était certain que des voleurs voulaient entrer par la porte-fenêtre du premier étage, celle qui donnait sur la piscine. Des bêtes dégoutantes grimpaient sur les murs de la maison, se faufilaient sous les meubles.
Cet après-midi dans le salon, la mer était mauvaise, assis dans le gros fauteuil anglais, Loulou était inquiet, ses longues mains agrippaient avec force les accoudoires rembourés. Il essayait de tout son corps de stabiliser une embarcation secouée par une mer déchainée. Le temps avait tourné trop rapidement. Il fallait rentrer au port sans attendre. Tous les bons marins savent que les tempêtes en méditerranée sont imprévisibles. Dangereuses. Loulou était de ceux-là. Un vrai bon marin !
Après l‘exposition, j‘ai animé tous les lundis après-midi jusqu’à il y a deux mois, des ateliers de peinture dans le service de gériatrie du CHUM. Durant sept ans, j’ai apporté mes couleurs à l’hôpital, ces patients m‘ont rendus leurs souvenirs, une humanité dégagée de conventions sociales. Ils m‘ont appris qu‘à l‘infinie fragilité de notre condition la seule réponse possible était l‘amour. Un amour délivré de la raison.
L‘expérience a été douloureuse et belle à la fois. Drôle souvent. Merveilleuse.

Hôpital Notre-Dame
vidéo Alliah productions

L’enfant métis

L’enfant métis

Série des icônes païennes
tempéra et feuille d‘or sur toile
51X41 cm 20 X 16‘‘
année 2019
550 $

J‘ai souvent peint ‚des mariages mixtes. L‘homme était noir et la femme blanche.

L‘histoire :

Quelques années avant de mourir ma grand-mère maternelle m‘a confiée avoir eu une relation amoureuse durant la guerre, avec un soldat américain noir.
Cette histoire, c‘est terminée par un drame horrible. Il m‘a fallu du temps, un travail de recomposition et d‘analyse pour comprendre que cet événement m‘avait marqué et toute notre lignée, au fer rouge.

À cette époque (1942-1945), en Algérie, une relation entre une jeune mère mariée à un officier à la guerre, avec un soldat américain de surcroit noir n‘était absolument pas envisageable.

L‘enfant métis n‘est pas né. Ma grand-mère a été mise au banc d’une certaine société et rejetée par sa famille.

Mais que ce serait-il passé si elle avait eu la force d‘assumer ? Le scandale ! Elle aurait divorcé, aurait été écartée de sa famille (c’est arrivé tout de même). Un enfant serait inévitablement né. La vie aurait était ailleurs, autrement . Ma mère qui a cette époque était née, aurait parlé anglais et francais. Je serais née en Amérique

Bon enfin… j‘ai peint cet enfant. l‘enfant métis. La seule réponse à la haine. La folie. Le racisme.
Le seul a être l‘avenir de l‘Homme.

Entre chien et loup tous les chats sont bleus


Entre chien et loup tous les chats sont bleus
Huile sur toile 61x46cm, 24X18 »
Année 2016
700 $

J’ai mis une nouvelle peinture dans la vitrine, celle d’hier a été vendue.

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 »Entre chien et loup tous les chats sont bleus »
Été 2016.
Lui et moi sommes dans mon atelier, minuscule véranda, construite de bric et de broc. La véranda était comme ma vie. Elle prenait l’eau, ne retenait ni la chaleur, ni la fraicheur, était suspendue au-dessus d’une ruelle oubliée, jungle urbaine, poubelles éventrées. Face arrière de la rue Ontario.
Lui, l’homme qui aime les livres et les chats. Sage. joie imperturbable.
j’ai peint.
Surtout, ne pas oublier l’arbre rouge qui bouffait la terrasse bancale ; le vieux chat malade à bout de vie qui se refugiait sur ses genoux. Le temps, mal défini par l’amour.
Sol instable, je m’accrochais à lui. Il était sourd à toutes les promesses d’effondrement. Ses jambes plantées à la terre absente. Il me montrait la patience. J’apprenais. L’échafaudage-terrasse a tenu.
Chat bleu. nuit. jour. lumière. ombre. vert. arbre rouge. soleil et lune mélangés. Donner du sens, équilibre, formes, couleurs. Juste, ne pas oublier.