Dans mon atelier, je suis une sportive.
Il y a la technique, mes recettes secrètes, les rituels, le combat.
Pour peindre, au propre comme au figuré mon corps doit être lavé et mon esprit exempt de toute colère ou amertume.
En entrant dans l’atelier, j’allume la lumière puis je mets , comme presque tous les jours depuis presque 18 ans le tablier rouge (quand je donne des ateliers, je sais à la manière de tenir un pinceau et de nouer un tablier comment la personne va se comporter face à la toile). Pour en revenir au tablier, il a l’âge de mon fils Sébastien. Il me protège, et sert de chiffon pour les opérations méticuleuses.
Ainsi harnachée, je suis prête à entrer dans une dimension de rêve, de poésie et de couleur.
La préparation de la palette est importante. Il y a un ordre à respecter, les couleurs claires : le blanc, ivoire, jaune brillant, bleu et rose lumière, gris neutre sont placées au centre ; autour, les jaunes, rouges, bleus, quelques verts puis les terres, les ombres et enfin le gris de Payne. Le noir est préparé à part avec de l’essence et de l’huile.
J’ai toujours sous la main un récipient de talc.
Après plusieurs années d’acrylique l’envie de peindre à huile s’est imposée à nouveau il y a trois ans. L’hiver était difficile et mon atelier de l’époque impossible à chauffer, j’avais un atroce mal du pays.
Comme un rituel, les incontournables étapes techniques apportent un caractère presque sacré à l’élaboration de ce qui finira par être une œuvre.
Pour commencer quelques traits de fusain posent l’idée comme des notes sur un carnet à dessin que je suis seule à lire. Les couleurs diluées révèlent les formes. Imbibée d’essence la toile sèche vite. La couleur cette fois sortie du tube est triturée, dégradée, fondue. Les idées encore et toujours se bousculent, s’imposent, s’oublient. Puis c’est l’étape du noir, la ligne. Je contourne le motif d’un trait. Je reviens encore à la couleur en travaillant les contrastes puis en glacis superposés pour les fondre. Je retouche le trait, l’estompe ou l’appuie et finis avec les points de lumière et le blanc…..
L’huile est vivante elle doit être nourrie, aimée pour que le rendu soit à la fois subtil et fort. J’aime la peinture généreuse en intensité et en matière.
Comme les sports de combat, aïkido et judo pratiqués dans ma jeunesse la peinture demande engagement, réflexion, agilité, endurance et force. La toile est un partenaire sans complaisante, elle se défend, réagit, résiste. Il faut savoir la laisser aller, l’écouter, danser sur sa mesure, se servir de sa puissance, puis au bon moment reprendre le dessus et gagner…peut-être, si on sait arrêter au bon moment.